derrière l'écran

This will never end 'Cause I want more. More, give me more
Give me more ! If I had a heart I could love you If I had a voice I would sing. After the night when I wake up I'll see what tomorrow brings.

  J'ai grandi ici, dans cette ville qui m'a toujours semblé si petite et si étouffante. Pourtant, nous n'avons jamais manqué de liberté mon frère jumeau et moi. Nos parents étaient des gens exceptionnels, très aimés en ville. D'abord, il y avait ma mère, belle, souriante et très intelligente, une vraie guerrière des temps moderne, gérant l'épicerie de sa famille et deux gamins turbulents sans jamais ciller. Et puis mon père, un homme droit et sûr de lui qui dessinait des plans à n'en plus finir. Je n'ai jamais su s'il était vraiment architecte ou s'il rêvassait seulement. Nous étions heureux, tous les quatre. Enfin, c'est ce que j'ai toujours pensé. Ils nous aimais et Jaime et moi le leur rendions au centuple entre nos bêtises et nos blagues parfois dérangeantes. Nous passions des après-midis entiers dans les bois avec notre oncle et parfois sa femme et ses deux filles. Blondes. Différentes. A cette époque, rien n'aurait pu présager qu'un jour, je les appellerai sœurs.

Nous avions dix ans quand ils sont morts. Accident de voiture. Ils n'ont même pas eu le temps de souffrir tellement le choc fut violent. Je ne me souviens même pas de l'enterrement, une semaine entière de ma vie a disparu de ma mémoire. D'après les psy, ce n'est rien de grave, juste une protection enfantine contre la douleur. J'ai toujours été très bon pour fuir au moment opportun. Ce qui m'a forcé à sortir de ma torpeur, c'est Jaime. Il avait besoin de moi. J'avais toujours été le plus bavard et le plus audacieux des deux et le voir se replier sur lui-même après tant d'années passées à le sortir de sa timidité était insupportable. Adoptés par le frère de notre père, nous reprîmes lentement mais sûrement le cours de nos petites vies si paisibles. Je détestais ça... Violett et moi passion des heures dans le noir a nous raconter des histoires, à parler d'aventures et de bout du monde. De héros plus fous et courageux les uns que les autres, sans peur, sans limite.

C'était ce que je voulais vraiment. Partir. Et à dix-huit ans, je mis les voiles, laissant en plan ma famille et les souvenirs douloureux qui refusaient de se taire à chaque fois que je passais devant notre ancienne maison. J'obtins une bourse pour aller étudier à New-York. Je m'ennuyais à mourir jusqu'à rencontrer Siggy, fille d'un riche diplomate et complètement désinhibée. Une vraie furie. On s'aimait, on se détestait. Passant des semaines ensemble puis se reniant des mois. Quand elle voyageait, elle m'emmenait avec elle dans le jet privé de son papa. C'était de la folie. Pendant deux ans, ma vie consista uniquement à m'amuser et à vivre au dépend de cette fille. Elle tomba enceinte, on se fiança. Fausse couche, annulation de fiançailles. Après cela, son père l'envoya à Paris et je suivis le mouvement. Cet épisode fut décisif : je trouvais enfin ma voie. J'étais bien sûr un artiste dans l'âme, du genre à se faire haïr pour ses talents. Que je m'essaye à la musique, au dessin ou à la sculpture, j'étais doué. Mais rien ne présageait de mon don de cuisinier.

Encore cinq ans furent nécessaire à ma soif de voyages et de folies. J'avais 25 ans quand je m'installais à Barcelone pour ouvrir un petit restaurant. Les affaires marchaient bien, j'avais un tas d'habitués qui devinrent des amis. Pendant trois ans, mon quotidien fut simple : travailler, faire l'amour avec Camila, boire des verres sur la terrasse à minuit, rêvasser sur la plage et ne plus penser à rien d'autre qu'au soleil et à cette jolie brune. Je tombe amoureux très vite, aussi vite que je me lasse mais avec Camilla, c'était différent. Jusqu'à ce que Siggy refasse irruption dans ma vie le jour du mariage et fasse voler en éclat mon univers. Peut-être était-ce pour le mieux, finalement. J'aurais bien fini tôt ou tard par briser ce bonheur comme un grand alors autant pouvoir la blâmer elle.

La blâmer pour tout. Une semaine après son arrivée à Barcelone, elle me fit boire comme jamais. Évidement, je ne me défendis pas, effondré par la perte de Camila. J'ignore encore ce qui s'est vraiment passé mais au réveil, j'étais à l'hôpital, mon restaurant appartenait au passé, détruit par les flammes et la diablesse envolée. Tout comme ma jambe gauche. Il ne me restait d'autre solution que de rentrer à la maison. Greenfields. Jamais je en l'avouerais mais c'était bon de revenir chez moi. Darcy, ma grande soeur, s'occupa de moi, encaissant ma colère et ma frustration, mes larmes et ma souffrance. Elle m'embaucha à la Daffodil, l'auberge qui appartenait à son père et qu'elle gérait maintenant presque seule.

Voilà quatre ans que je suis de retour. Aujourd'hui à nouveau fiancé et père d'un petit garçon de presque un an. Quatre ans...