[Théodore et Sinead ne rencontreront PERSONNE les connaissant. Il est impossible que la scène de ce RP et les secrets qui y sont révélés puissent être connus à Greenfields. Libre à Théodore de les faire savoir quand il veut, en revanche, naturellement.]

Je suis tellement minable.

Les larmes se mélangent à la pluie sur mon visage et je sens mon maquillage couler. Je n'en ai cure. Finies les apparences, finie les précautions, je ne suis plus à Greenfields. Je ne croiserai personne dans la ville voisine, on est en milieu de semaine, personne ne va là-bas un mardi soir, c'est beaucoup trop loin. Je vais pouvoir me vider la tête, oublier ce que j'ai fait, oublier mes péchés, mes fautes, mes faiblesses. En vérité je ne sais pas trop ce que je vais faire là-bas. Je sais juste que, quand je me suis retrouvée seule dans mon appartement, au souvenir de mes cauchemars, de ce qui s'est passé avec Richard, j'ai ressenti un besoin brûlant de m'en aller, de m'enfuir, comme si je pouvais tout oublier en m'éloignant de ce lieu parfaitement parfait dans lequel je fais tache avec mon passé véreux.

Je me sens tellement intruse au milieu d'eux tous. Ma perfection n'a jamais fait de doute aux yeux du monde, j'ai même depuis toujours été détestée par certaines personnes à cause de ça. Comme ils se délecteraient s'ils savaient la vérité ! S'ils savaient que la brillante géographe, major de promo, si jolie, si aimée, si douée, était incapable de s'en sortir sans cette saloperie de poudre blanche !

Quand on a été drogué à la coke, les médicaments, ce n'est rien. Je pouvais prendre autant de Valiums que je voulais, je n'avais pas l'impression que c'était grave. Maintenant, c'est comme si, ayant à nouveau sombré dans mes anciens démons pour de bon, le voile sur mes yeux se déchirait et que je prenais enfin conscience de la longue descente aux enfers qui m'avait menée là.

Sa faute...

Il me détruit même quand il n'est plus là.

Je passe devant un magasin d'aménagement. Un couple en sort en courant sous la pluie. La femme, enceinte, rit alors que celui qui est probablement le père de son futur enfant s'efforce dans des efforts pathétiques de protéger à la fois le visage et le ventre de sa bien-aimée de la pluie. Ils viennent sans doute de commander tout ce qu'il faut pour la chambre de leur bébé. Voir cette scène, qui me saute au visage comme un chat furieux, au moment où je pense à lui me donne un violent coup au cœur. Je ne suis pas encore tout à fait guérie de cette blessure vieille de deux ans - je ne sais toujours pas s'il est possible d'en guérir. Mes mains se crispent sur mon ventre vide, qui ne connaîtra peut-être plus jamais la vie, et mes sanglots redoublent brutalement.

Je dois oublier.

Je me réfugie dans un fast-food pour dîner en attendant la fin de la pluie. La boisson sucrée me fait faire une grimace. Ça y est, je sais ce dont j'ai besoin. Là tout de suite, j'ai besoin d'alcool. Ce bon vieil alcool légal auquel je n'ai jamais été accro et dans lequel je peux me noyer ce soir sans aucune culpabilité. Je reste longtemps assise sans rien faire après avoir mangé, respirant profondément, séchant mes larmes, reprenant la maîtrise de moi-même. Enfin, quand je me sens prête à pouvoir me lever de nouveau sans éclater en sanglots, je vais dans les toilettes, me refais une beauté - j'aurais été hideuse même sans larmes avec cette pluie - ressors et pars posément à la recherche d'un bar.

Je trouve rapidement et parviens à y entrer juste avant que la pluie recommence. Je m'assieds au bout du bar, légèrement dans l'ombre, peu désireuse de trop me faire aborder ce soir. Ça ira mieux quand je serai ivre et cet état devient urgent à atteindre.

- Un whisky on the rocks, s'il vous plaît.

Quand le séduisant blond entre dans le bar sans que je le remarque, j'en suis à mon troisième verre et je vais déjà beaucoup mieux.